Mais ce doute poignant restait dans mon âme. N’était-ce pas moi qui me levais sans en avoir conscience, et qui buvais même les choses détestées, car mes sens engourdis par le sommeil somnambulique pouvaient être modifiés, avoir perdu leurs répugnances ordinaires et acquis des goûts différents.
Je me servis alors d’une ruse nouvelle contre moi-même. J’enveloppai tous les objets auxquels il fallait infailliblement toucher avec des bandelettes de mousseline blanche et je les recouvris encore avec une serviette de batiste.
Puis, au moment de me mettre au lit, je me barbouillai les mains, les lèvres et la moustache avec de la mise de plomb.
A mon réveil, tous les objets étaient demeurés immaculés bien qu’on y eut touché, car la serviette n’était point posée comme je l’avais mise ; et, de plus, on avait bu de l’eau, et du lait. Or ma porte fermée avec une clef de sûreté et mes volets cadenassés par prudence, n’avaient pu laisser pénétrer personne.
Alors je me posai cette redoutable question. Qui donc était là, toutes les nuits, près de moi ?
Extrait du Horla version 1