CORRIGE DU DEVOIR N°3
1- Repérer :
a- Quelles sont les deux grandes parties de cette nouvelle ?
Cette nouvelle comporte deux parties. La première partie, qui réunit les cinq premiers paragraphes, constitue le récit du narrateur qui, blessé, s’est réfugié pour la nuit avec son domestique dans un château étrange. La seconde partie renferme le dernier paragraphe, il s’agit de l’histoire du tableau lue par le narrateur dans un petit volume.
2- Comprendre :
LE DECOR
b- Analysez le décor en montrant ce qu’apporte son évocation à l’atmosphère de la nouvelle.
L a scène se déroule dans un château « abandonné », le narrateur et son domestique s’y sont réfugiés pour la nuit en forçant l’entrée. Cet édifice à lui seul crée déjà une atmosphère mystérieuse relayée par, d’une part, la situation de la chambre, « dans une tour écartée du bâtiment, d’autre part, le décor de la chambre car il est précisé que « sa décoration était riche mais antique et délabrée » (la richesse de la décoration tient tant à la quantité des éléments qu’à leur qualité comme on le constate dans la suite du texte). Tout cela suscite la curiosité du narrateur d’autant plus que l’étrangeté du château est évoquée avec la « foule de recoins que la bizarre architecture du château rendait inévitables ».
En outre la façon dont est éclairé ce décor est très parlante quant à la création d’une atmosphère fantastique avec tout le doute qu’elle implique : la pièce est éclairée par un « grand candélabre à plusieurs branches », les bougies créent un éclairage étrange par le vacillement de la flamme à mesure que le temps passe.
LE NARRATEUR
c- Dans quel état se trouve le narrateur avant et pendant la contemplation du portrait ?
Avant la contemplation du tableau, le narrateur, « déplorablement blessé », semble calme, il se prépare à une nuit d’insomnie, c’est un homme sensé qui prévoit ses occupations pendant cette nuit d’insomnie, « contemplation de ces peintures » et « lecture d’un petit volume ». Cependant, ce calme est déjà troublé par l’évocation du « délire » dû à la fièvre : il n’est pas dans son état normal, d’ailleurs plus loin dans le texte, dans le quatrième paragraphe, il confie qu’il était dans une « stupeur rêveuse ».
Pendant la contemplation du portrait, son attitude change : la contemplation religieuse des peintures se transforme en une observation passionnée du portrait. Il est dominé par ses émotions comme nous l’indique l’épisode des paupières fermées, « mouvement involontaire ». Il est fasciné par le tableau, ses sentiments sont très forts : l’auteur utilise une gradation pour nous les présenter : « confondu, subjugué, épouvanté », ces adjectifs aboutissent à une peur intense qui perturbe l’esprit comme se définit la « terreur », le lecteur est plongé dans l’angoisse, le narrateur, lui, préfère remettre le tableau dans l’obscurité, peut-être qu’il a l’impression d’être trop indiscret, peut-être qu’il préfère remettre ce fantôme dans son placard d’ombre, ce qui nous ramènerait à l’idée du château hanté suggérée par la longue description du décor.
L’HISTOIRE DU PORTRAIT
d- Comment se manifeste l’amour de la jeune fille pour le peintre ? Et celui du peintre pour la jeune fille ?
L’amour de la jeune fille pour le peintre se manifeste par sa soumission au désir de son mari de la prendre comme modèle, ainsi, elle s’assoit « avec douceur pendant de longues semaines », elle garde le sourire et reste « sans se plaindre ».
Le peintre lui manifeste son amour à travers ce choix de son épouse, « sa bien-aimée », comme modèle, il se sert de son art pour magnifier « celle qu’il aim[e] si fort ».
e- Dans quel sens faut-il comprendre le mot « charme » (ligne 45) ?
La polysémie du mot « charme » est un élément intéressant dans l’analyse de cette nouvelle fantastique, en effet, elle introduit la confrontation des deux interprétations possibles. Ainsi, a priori, le tableau a simplement un aspect agréable,, attirant aux yeux du narrateur, cette signification est mise en doute par le narrateur lui-même lorsqu’il dit que « les détails du dessin, le style de vignette, et l’aspect du cadre auraient immédiatement dissipé un pareil charme ». On peut donc s’intéresser à l’étymologie du mot charme, on découvre alors qu’il vient du latin carmen qui signifie « formule magique », le charme est donc un acte magique qui produit un enchantement, une illusion des sens, on est dans l’interprétation surnaturelle, magique ici. D’ailleurs, l’expression « dissiper le charme » nous met sur la voie en nous rappelant la tournure « rompre un charme ». Enfin, le troisième sens du mot charme renvoie à la séduction, le charme est alors une tentative de séduire, on peut se demander si ce n’est pas ce qui se produit entre la jeune fille du tableau et le narrateur. Et si une nouvelle histoire d’amour pouvait faire revivre la jeune fille…
f- Quel est le « vrai secret » de l’effet du tableau (ligne 45) ?
A partir de ces données concernant le mot charme, on peut considérer que le « vrai secret du tableau » consiste dans le fait qu’il ne fait pas que représenter la jeune fille, il l’emprisonne, elle est présente au point de susciter une sorte de passion chez le narrateur. L’Art s’est substitué à la Vie, Dans cette optique on constate le choix de la majuscule pour ces deux termes dans le texte, choix qui implique un souhait de rapprochement de ces deux notions de la part de l’auteur…
3- Interpréter :
g- En vous appuyant sur vos connaissances, dites en quoi ce texte constitue une nouvelle fantastique.
On peut considérer ce texte comme une nouvelle pour trois raisons qui correspondent aux trois caractéristiques définissant ce genre. Tout d’abord, ce texte est bref, cette longueur matérielle constitue la première caractéristique de la nouvelle. Ensuite, le récit est construit autour d’une action unique, en l’occurrence, la contemplation du tableau. Enfin, les personnages sont peu nombreux et leur psychologie peu approfondie : on a seulement le narrateur et son domestique Pedro assoupi d’une part, la jeune fille et le peintre d’autre part. On ne connaît rien du narrateur en dehors de l’événement central du récit. Il y a donc bien la concision et le parti pris de dépouillement que l’on trouve habituellement dans une nouvelle.
D’autre part, ce récit relève du registre fantastique. En effet, dans un cadre réel, un château en pleine nuit, avec des personnages rationnels, se déroule un événement inexplicable par les lois naturelles, en l’occurrence, la vive émotion du narrateur face au tableau, émotion expliquée par une autre histoire, elle aussi fantastique, celle de la mort inexplicable de la jeune fille représentée sur le tableau.
h- En quoi peut-on rapprocher cette nouvelle du Horla de Maupassant (narrateur, thème, écriture…) ?
Il est possible de rapprocher cette nouvelle du Horla de Maupassant à bien des points de vue.
Tout d’abord, il s’agit dans les deux cas de nouvelles fantastiques comme nous l’avons vu dans la réponse précédente et les auteurs font partie du même « courant » dans le sens où les traductions des nouvelles de Poe par Baudelaire ont inspiré les auteurs fantastiques « classiques » dont Maupassant fait partie. Ensuite, les auteurs utilisent le même procédé pour plonger le lecteur dans une profonde angoisse, à savoir un narrateur personnage, homme rationnel qui se perd dans ses doutes et ses contradictions. En outre, ils abordent le même thème : la mort, l’un à travers une descente progressive dans la folie pour aboutir à des pensées suicidaires et à la mort des domestiques, l’autre à travers la mort à petit feu d’une jeune femme. Enfin, les écritures de Poe et de Maupassant se ressemblent au niveau tant des choix d’organisation avec l’importance accordée au traitement des repères spatio-temporels, que des procédés stylistiques tels que les incises marquées ici par des tirets dans le premier paragraphe, ou les parenthèses qui se rattachent au procédé d’autocorrection cher à Maupassant.
4- S’exprimer :
i- Résumez en quelques lignes une nouvelle fantastique que vous avez lue personnellement ou qui a été vue en cours en utilisant le passé simple de l’indicatif.
J’ai choisi de résumer La Vénus d’Ille de Mérimée (1837).
Un archéologue, M. de Peyrehorade, avait fait la découverte d’une vénus en bronze, dont il était comme ensorcelé. Son fils, Alphonse, le matin de ses noces, engagea une partie de paume contre des Espagnols, et, pour être plus à l’aise, passa au doigt de la vénus la bague destinée à sa future femme. Le soir, il révéla au narrateur, invité par le père, qu’il n’avait pu reprendre l’anneau.
Le lendemain matin, on trouva le jeune homme mort dans son lit, la poitrine et le dos marqués d’une empreinte livide. Sa femme, qui avait perdu l’esprit, assura que la statue était venue étouffer son époux pendant leur nuit de noces.
Un Aragonais, soupçonné du meurtre, fut arrêté puis relâché, faute de preuves. Le juge se déclara hors d’état d’éclaircir le mystère.