LA REINE DES ABEILLES

Il y avait une fois trois fils de roi. Un jour, les deux aînés s’en allèrent chercher l’aventure, mais ils firent tant de bêtises qu’ils n’osèrent pas revenir chez leur père. Leur frère cadet, qu’on appelait Petit Nigaud, partit à leur recherche. Il les retrouva mais ses frères se moquèrent de lui, en disant :

« Nous sommes plus malins que toi et nous n’avons rien fait de bon. Et toi, pauvre naïf, tu crois pouvoir te débrouiller dans un monde si difficile ! »

Ils se mirent en route tous les trois et trouvèrent sur leur chemin une fourmilière.

« Détruisons-la, proposa l’aîné.

-Oh oui ! dit le second. Ce sera amusant de voir les fourmis courir de tous côtés en emportant leurs œufs.

-Non, dit Petit Nigaud. Laissez ces animaux tranquilles. Je vous interdis de leur faire du mal ! »

Un peu plus loin, ils trouvèrent un lac où nageaient des canards.

« Aidez-moi à les attraper, dit l’aîné.

-Oui, dit le second, nous les ferons rôtir.

-Non, dit le plus jeune. Laissez-les tranquilles. Je vous interdis de les tuer. »

En continuant leur chemin, ils virent un nid d’abeilles dans un arbre.

« Regardez, dit l’aîné, ce nid d’abeille est plein de miel.

-Il faut allumer un feu au pied de l’arbre, dit le second. Le abeilles s’en iront et nous prendrons le miel.

-Non, dit Petit Nigaud. Laissez ces animaux tranquilles. Je vous interdis de les brûler. »

Enfin, ils arrivèrent à un château. Dans les écuries, tous les chevaux étaient changés en pierre. Ils traversèrent toutes les salles sans voir personne et arrivèrent devant une porte fermée par trois serrures. Au milieu de la porte, il y avait une petite fenêtre. Par cette fenêtre, ils virent un petit homme aux cheveux gris, assis devant une table. Ils l’appelèrent une fois, deux fois, mais il n’avait pas l’air d’entendre. A la troisième fois pourtant, il se leva, ouvrit la porte et sortit. Sans rien dire, il les conduisit à une table magnifiquement servie. Quand ils eurent bu et mangé, il emmena chacun des frères dans un chambre séparée.

Le lendemain matin, le petit vieillard vint chercher l’aîné des frères, et le conduisit devant une table de pierre. Là étaient inscrites trois épreuves qu’il fallait réussir pour désenchanter le château.

La première épreuve consistait à trouver les mille perles que la princesse avait perdues dans le bois. Si le chercheur ne les trouvait pas avant le coucher du soleil, sans qu’il en manque une seule, il serait changé en pierre.

Toute la journée, l’aîné chercha les perles ; le soir, il n’en n’avait pas rassemblé plus d’une centaine et il fut changé en pierre comme il était écrit sur la table. Le lendemain, le second frère tenta l’épreuve lui aussi. Mais il ne trouva qu deux cents perles et il fut changé en pierre.

Enfin, ce fut le tour de Petit Nigaud. Il chercha les perles dans la mousse du bois mais c’était bien difficile ; alors, il s’assit sur une pierre et se mit à pleurer. A ce moment-là, la reine des fourmis qu’il avait protégées arriva avec cinq mille de ses sujets. Les fourmis eurent vite fait de trouver les perles et d’en faire un petit tas aux pieds du garçon. Il n’en manquait pas une !

La seconde épreuve consistait à repêcher la clef de la chambre de la princesse qui était tombé au fond du lac. Le jeune prince s’approcha de l’eau et vit venir à sa rencontre les canards qu’il avait sauvés. Ils plongèrent au fond de l’eau et lui rapportèrent une clé. C’était bien celle de la princesse !

La troisième épreuve était la plus difficile : trois princesses étaient endormies, et il fallait reconnaître la plus jeune, qui était aussi la plus gentille. Elles se ressemblaient parfaitement. Simplement, avant de s’endormir, l’aînée avait mangé un morceau de sucre, la seconde bu du sirop et la plus jeune pris une cuillerée de miel. Le garçon ne savait laquelle désigner, quand la reine des abeilles qu’il avait sauvées du feu entra dans la chambre. Elle voleta sur la bouche des trois princesses et se posa sur les lèvres qui sentaient le miel.

C’est ainsi que le prince la rebonnut. Il s’approcha d’elle et elle s’éveilla. Dans le même instant, le château fut tiré de son sommeil magique et tous ceux qui étaient transformés en pierre reprirent vie. Celui qu’on appelait « Petit Nigaud » épousa la plus jeune et la plus gentille des princesses et devint roi après la mort de son père. Quant à ses deux frères, ils épousèrent les deux autres princesses.